La compagnie Tallipot de Ribeauvillé a ouvert vendredi 23 février, de façon magistrale à la Maison des œuvres de Sainte-Croix-aux-Mines, la saison théâtrale. Le public a été conquis par la prestation des comédiens dans la pièce intitulée Le Ravissement d’Adèle, de Rémi De Vos.

Comme l’a annoncé le directeur du pôle culture Mathias Kelche en avant-propos, la satire présente une crise, presque existentielle, dans un petit village. Elle dénonce par le rire, par les dialogues et le comique de situation parfois osé, voire cru, ou parle talent des acteurs. Ne manquait qu’une pissotière pour faire l’amalgame avec le fameux village de Clochemerle.

Loin des codes de la comédie traditionnelle

Pour situer la trame de cette pièce, une jeune fille, Adèle, a disparu. Un avis de recherche est apposé dans les commerces du village, des battues sont organisées dans la forêt voisine et un inspecteur est spécialement dépêché pour suivre l’affaire.


La grand-mère d’Adèle débarque chez son fils, au grand dam de sa bru, et décide de mener sa propre enquête. Chaque protagoniste y va de sa petite idée, de sa vérité, cherchant la paille dans l’œil du voisin en oubliant de voir la poutre dans le sien.

Sophie Thomann, la metteuse en scène du Ravissement d’Adèle, a bien cerné la compagnie Tallipot dans le choix de pièces contemporaines sortant du cadre de la comédie traditionnelle. Elle remplace les actes chers à Molière par une quarantaine de courtes scènes indépendantes les unes des autres, mais liées par le contexte de la pièce.


Les comédiens ont dû s’adapter au volume de la Maison des œuvres et pour une fois, le “plateau théâtral” n’était pas la scène (trop petite) mais l’arrière de la salle, ce qui a permis une adaptation maximale de cette pièce. Le public s’est retrouvé ainsi en partie dans la salle et sur la scène.

Le talent des interprètes

Les dialogues comiques et le plus souvent caustiques de l’auteur, et la mise en scène de Sophie Thomann ont donné la part belle aux interprètes, éclairés par les jeux de lumières de Jean-Marc Birgaentzlé.

Dans la famille d’Adèle on demande le père, un personnage un peu naïf, crédule, amoureux transis et riche, campé à la perfection par Paul-André Fleith. Il y a son épouse, jouée par Florence Tokic, une nymphomane qui « saute sur tout ce qui bouge ». La grand-mère paternelle est un personnage haut en couleur, enquêtrice de choc qui déteste sa bru, incarnée avec brio par Anne Lallement.

Le boucher et la bouchère, alias Jean-Jacques Servet et Christine Kopp, sont un tandem d’un formidable pouvoir comique.
Un beau macho, pourfendeur des instances municipales et grande gueule du village, et sa « douce moitié à la langue bien pendue » mais plus malheureuse que méchante.

Sans oublier Linda Dill dans le double rôle de commissaire donnant les priorités de l’enquête et de la cliente “victime” des sarcasmes du boucher. Élisabeth Dill et Guy Lallement incarnent formidablement ce couple de retraités sans histoire… Sans histoire, allez savoir…

Alexandre Alexiou a bien tenu le rôle d’un jeune un peu équivoque, beau gosse qui mène sa vie où le mène la route avec des petits boulots en chemin. Belle interprétation d’Alexandre Kautzmann dans le rôle de “l’idiot” du village, jardinier de son état, amoureux des fleurs, mais pas que… Une performance d’autant plus méritoire qu’Alexandre a fait un remplacement au pied levé et n’a eu que 48 heures pour s’imprégner du personnage et apprendre le texte.

Tout ce joli monde a incarné des personnages plus vrais que nature et a bien méritéles applaudissements de plus en plus nourris au fi l de l’avancement des petitesscènes, jusqu’à la formidable ovation fi nale.